Houda – Culpabilité
Bon. Alors… Oui, donc, je raconte le premier voyage à dix-sept ans. (rires) Donc, que j’ai fait à New York. Donc euh… je ressens effectivement un sentiment de culpabilité parce que malgré le fait que ça soit à New York et que je suis partie pendant très longtemps.
Putain. C’est atroce. (rires) C’est vraiment atroce. Vraiment…
Donc euh, je suis partie en faisant une cassure… [brouhaha] Oh merde, c’est pas possible. Je fais une pose. (rires) Je vais boire un coup. (rires) Ça va pas être possible du tout.
[interruption]
Oui, donc un sentiment de culpabilité terriiiiible. Parce que je savais que… j’allais faire énormément de mal autour de moi. D’abord parce que j’ai pas donné de nouvelles (ricanement), oui et que je savais que j’allais faire souffrir énormément la famille et surtout mes parents.
Mais je pense que c’était un petit peu le but. C’était un peu pour les secouer. Donc voilà.
Je parle du fond de.. de… Je parle de New York au fond ?
Donc, je suis partie un peu, un peu à l’aventure. J’ai pas du tout atterri à New York. En fait j’ai atterri à Washington. (rires) Et euh, donc très grande déception, Washington. Parce que je recherchais les gratte-ciel. Pas de gratte-ciel. Et puis finalement, j’ai quand même atterri à New York. J’ai adoré. C’était le coup de foudre. Et au lieu de rester quinze jours comme prévu, j’y suis restée six mois. Voilà. Et c’est seulement, au bout de deux, trois mois, je ne sais même plus, que j’ai envoyé une carte postale avec des taxis euh… new-yorkais, à l’époque, jaunes. Et le taxi disait ceci: [elle montre le majeur]. (rires) Tu vois, c’est très intéressant. Je ne sais pas si tu te souviens du taxi qui faisait ça [elle remontre le majeur] dans les cartes postales. Voilà, c’est la seule carte postale que mes parents ont reçu durant mon absence.
Et je suis partie pour un peu, je pense, les secouer. Et c’était un appel au secours. Parce qu’il n’y avait plus du tout d’émotions. Tout était basé sur le chagrin, de la perte de mon frère, évidemment. Mes parents n’étaient absolument plus du tout présents. Euh… je n’avais plus de parents.
Et euh… et euh, beaucoup, beaucoup, beaucoup de tristesse. Parce qu’à chaque fois qu’il y avait une émotion dans la maison, on parlait surtout du frère disparu. Mais ceux qui étaient présents n’existaient plus. (rires) Et donc euh, voilà, ça a été une très grosse cassure pour moi. Mais vraiment une très grosse cassure. Et en même temps une… un début de liberté assez… jouissif. Bon, j’ai réalisé que je pouvais réellement vivre ma vie et que je devais, surtout, si je devais chercher une émotion, n’importe laquelle, la chercher moi-même et.. et euh.. faire avec ce qu’on a. Au sein de la famille et même au sein de mes amis. Et donc voilà.
Alors, je ne sais pas si ça m’a construite, en tout cas, c’est une expérience. J’ai dû être livrée à moi-même pendant quand même pas mal de temps. Mais hemm… En tout cas, c’est ce qui fait que c’est moi aujourd’hui. Ça c’est sûr. Sans cette expérience là, j’aurais été… Je sais pas! (rires) Je n’sais pas ce que j’aurais été en fait. Pas du tout. Voilà. Ca m’a permis de découvrir aussi ma capacité à l’adaptation. A la difficulté. Quand t’as faim! (rires) Et euh, évidemment, euh, plein de rencontres professionnelles. Parce que j’ai dû travailler pour survivre à New York. Et euh… et voilà. Et hem… dire que tout est possible. Qu’on pouvait changer notre avenir. Que rien n’était tracé. Que… des parents aussi, ça s’éduque. Que… bah qu’la vie, bah j’ai quitté l’adolescence et tout de suite je me suis retrouvée, euh… dans une situation d’adulte. Et c’est… ça a été très difficile ça. De se retrouver, enfin, de ne pas avoir eu une enfance qui durait. Donc, très vite en fait, j’ai.. j’ai dû me mettre dans la position d’être une adulte. Et ça par contre, ça a été très difficile.
Voilà.
(silence)
Il y a quelqu’un derrière toi. (rires)
C’est 10 minutes, non?… (rires)
Euh… Donc voilàààà… C’est très difficile de se retrouver très vite dans, dans.. dans.. ben livrée à soi-même. Livrée vraiment à soi-même. De ne pas pouvoir compter sur l’affection, en tout cas qui.. qui est plus que nécessaire, de ses parents. Aussi, ne pas savoir comment… ouais, comment euh… Ouais, je ne sais pas comment l’exprimer en fait… Donc, oui, c’est vraiment le sentiment de.. de se faire vraiment toute seule et.. et euh… et on sait pas si on fait bien ou pas. Et la seule chose que je peux en retenir, c’est effectivement ce sentiment tellement intense de culpabilité de.. de.. de faire mal. J’ai toujours eu le sentiment, et ça, ça perdure encore aujourd’hui de.. de tout le temps me remettre en question. Tout le temps me remettre en question et de me dire est-ce que je fais bien, pas bien?… Est-ce que, pfff…, finalement, euh, quoique j’entreprenne, parce que je suis quelqu’un de très libre – ça m’a appris à être libre – est-ce que je ne fais pas mal aux autres? Et ce sentiment là me poursuit tout le temps.
Voilà.
(rires)
Houda – Culpabilité
Bon. Alors… Oui, donc, je raconte le premier voyage à dix-sept ans. (rires) Donc, que j’ai fait à New York. Donc euh… je ressens effectivement un sentiment de culpabilité parce que malgré le fait que ça soit à New York et que je suis partie pendant très longtemps.
Putain. C’est atroce. (rires) C’est vraiment atroce. Vraiment…
Donc euh, je suis partie en faisant une cassure… [brouhaha] Oh merde, c’est pas possible. Je fais une pose. (rires) Je vais boire un coup. (rires) Ça va pas être possible du tout.
[interruption]
Oui, donc un sentiment de culpabilité terriiiiible. Parce que je savais que… j’allais faire énormément de mal autour de moi. D’abord parce que j’ai pas donné de nouvelles (ricanement), oui et que je savais que j’allais faire souffrir énormément la famille et surtout mes parents.
Mais je pense que c’était un petit peu le but. C’était un peu pour les secouer. Donc voilà.
Je parle du fond de.. de… Je parle de New York au fond ?
Donc, je suis partie un peu, un peu à l’aventure. J’ai pas du tout atterri à New York. En fait j’ai atterri à Washington. (rires) Et euh, donc très grande déception, Washington. Parce que je recherchais les gratte-ciel. Pas de gratte-ciel. Et puis finalement, j’ai quand même atterri à New York. J’ai adoré. C’était le coup de foudre. Et au lieu de rester quinze jours comme prévu, j’y suis restée six mois. Voilà. Et c’est seulement, au bout de deux, trois mois, je ne sais même plus, que j’ai envoyé une carte postale avec des taxis euh… new-yorkais, à l’époque, jaunes. Et le taxi disait ceci: [elle montre le majeur]. (rires) Tu vois, c’est très intéressant. Je ne sais pas si tu te souviens du taxi qui faisait ça [elle remontre le majeur] dans les cartes postales. Voilà, c’est la seule carte postale que mes parents ont reçu durant mon absence.
Et je suis partie pour un peu, je pense, les secouer. Et c’était un appel au secours. Parce qu’il n’y avait plus du tout d’émotions. Tout était basé sur le chagrin, de la perte de mon frère, évidemment.
Mes parents n’étaient absolument plus du tout présents. Euh… je n’avais plus de parents.
Et euh… et euh, beaucoup, beaucoup, beaucoup de tristesse. Parce qu’à chaque fois qu’il y avait une émotion dans la maison, on parlait surtout du frère disparu. Mais ceux qui étaient présents n’existaient plus. (rires)
Et donc euh, voilà, ça a été une très grosse cassure pour moi. Mais vraiment une très grosse cassure. Et en même temps une… un début de liberté assez… jouissif. Bon, j’ai réalisé que je pouvais réellement vivre ma vie et que je devais, surtout, si je devais chercher une émotion, n’importe laquelle, la chercher moi-même et.. et euh.. faire avec ce qu’on a. Au sein de la famille et même au sein de mes amis. Et donc voilà.
Alors, je ne sais pas si ça m’a construite, en tout cas, c’est une expérience. J’ai dû être livrée à moi-même pendant quand même pas mal de temps. Mais hemm… En tout cas, c’est ce qui fait que c’est moi aujourd’hui. Ça c’est sûr. Sans cette expérience là, j’aurais été… Je sais pas! (rires) Je n’sais pas ce que j’aurais été en fait. Pas du tout.
Voilà. Ca m’a permis de découvrir aussi ma capacité à l’adaptation. A la difficulté. Quand t’as faim! (rires) Et euh, évidemment, euh, plein de rencontres professionnelles. Parce que j’ai dû travailler pour survivre à New York. Et euh… et voilà. Et hem… dire que tout est possible. Qu’on pouvait changer notre avenir. Que rien n’était tracé. Que… des parents aussi, ça s’éduque. Que… bah qu’la vie, bah j’ai quitté l’adolescence et tout de suite je me suis retrouvée, euh… dans une situation d’adulte. Et c’est… ça a été très difficile ça. De se retrouver, enfin, de ne pas avoir eu une enfance qui durait. Donc, très vite en fait, j’ai.. j’ai dû me mettre dans la position d’être une adulte. Et ça par contre, ça a été très difficile.
Voilà.
(silence)
Il y a quelqu’un derrière toi. (rires)
C’est 10 minutes, non?… (rires)
Euh… Donc voilàààà… C’est très difficile de se retrouver très vite dans, dans.. dans.. ben livrée à soi-même. Livrée vraiment à soi-même. De ne pas pouvoir compter sur l’affection, en tout cas qui.. qui est plus que nécessaire, de ses parents. Aussi, ne pas savoir comment… ouais, comment euh… Ouais, je ne sais pas comment l’exprimer en fait… Donc, oui, c’est vraiment le sentiment de.. de se faire vraiment toute seule et.. et euh… et on sait pas si on fait bien ou pas. Et la seule chose que je peux en retenir, c’est effectivement ce sentiment tellement intense de culpabilité de.. de.. de faire mal. J’ai toujours eu le sentiment, et ça, ça perdure encore aujourd’hui de.. de tout le temps me remettre en question. Tout le temps me remettre en question et de me dire est-ce que je fais bien, pas bien?… Est-ce que, pfff…, finalement, euh, quoique j’entreprenne, parce que je suis quelqu’un de très libre – ça m’a appris à être libre – est-ce que je ne fais pas mal aux autres? Et ce sentiment là me poursuit tout le temps.
Voilà.
(rires)
A propos de cette rencontre
Ah Houda…
C’est une grande histoire d’amour ça. Ou d’amitié. Marquée par une pause de près de vingt ans.
Et pour changer, c’est le réseau social des pouces en l’air qui a contribué à renouer les fils et nous avait permis de nous revoir, il y a déjà quelques temps.
En mai 2015, la publication indiquant ma recherche de modèles pour un projet photo a rapidement vu apparaître sa réponse qui m’a fait un plaisir immense.
C’est dans le cadre d’un café / restaurant où elle a ses habitudes (le Houtsiplou, dont je remercie au passage les tenanciers pour l’accueil) qu’a eu lieu la séance photo.
Ce fut ma première séance dans un lieu public. Et même si nous étions en matinée, les va-et-vient de quelques consommateurs et du personnel préparant la salle pour le service de midi ont créé une ambiance particulière, a priori peu propice aux confidences, qui a eu l’avantage de susciter chez Houda des rires nombreux qui résonnent encore à mes oreilles.
Ah, le rire d’Houda… qui dissimule avec panache une fragilité délicate. Rire et fragilité, 2 côtés d’une pièce jetée en l’air, qui virevolte et tourbillonne comme s’il était possible de ne plus jamais toucher terre.
Merci pour ton rire Houda, et pour tes confidences.