Loïc – Ennui

Donc en fait euh… A.. aux alentours de quinze ans, quinze ans et demi euh, ouais quinze ans, j’commençais à faire de la musique euh, ben j’ai fréquenté des gens un peu plus vieux que moi et ça m’a emmené dans des… à prendre des produits euh… pas cool. Du tout, quoi. Très addictifs comme diraient certains. Et donc euh… bah, j’me suis mis à… à chouraver à droite, à gauche. Et puis bon, un..un jour euh, y a eu l’opportunité de prendre un petit peu plus que d’habitude. Et donc, j’ai franchi le pas. Escroquerie euh… Escroquerie euh… Filouterie de louage, je..ce.. c’était une expression que j’connaissais pas. Et donc euh, clic clac, je me retrouve au.. commissariat. Euh, ils viennent me chercher chez moi. Ch’uis dans mon lit. Ils appellent au téléphone. J’décroche : “- Monsieur Oliviéro, Loïc? – Oui? ” Ca raccroche. Bon, j’retourne me coucher. Les flics arrivent. Y’m’prennent. Y fouillent partout. Ma mère.. gueule comme d’habitude, crie. Et y ‘emmènent. J’suis placé en garde à vue. Mais bon, j’suis dans mon.. moi, j’ai mes.. j’ai mes Doc aux pieds, mon bomber, des… un..un cadenas autour du cou, hé.. voilà quoi. Mais j’m’en fais pas trop quoi, bon. L’problème, c’est que… c’est que le manque va arriver quoi et là, bon, là, c’est chaud quoi. Et à l’époque, y a.. – les années quatre-vingt – y a pas de… y a pas trop de… Ils te donnent de l’aspirine quoi, en gros pour euh… Donc voilà.  Ils m’emmènent devant le juge. Bon.  – Monsieur, ks..qu’est-ce que vous avez fait de l’argent ? – Ben, l’argent, j’l’ai plus. J’l’ai dépensé. – Comment ça ? En de.. en une nuit, vous avez dépensé… – Ouais, c’est ça…” Tac. Ben oui, en fait, bon, j’ai un pote qui a.. qui a le magot et puis j’veux vraiment pas… Y a trop d’argent. (petit rire) J’veux pas lâcher l’affaire quoi. J’me dis c’est un mom.. mauvais moment à passer. Et le moment, il commence à tourner euh pas bien quoi. Pas’que l’juge, bah… malgré que j’ai jamais été devant la justice – en psychiatrie mais jamais devant la justice – baah il ordonne mon placement euh.. y euh… en prison quoi, au moins pour quatre mois, parce que ce sont des mandats de dépôt de quatre mois… Bon, j’arrive dans cette énorme prison qu’est Bois d’Arcy en camion cellulaire. C’t’à dire tu rentres dans.. tu rentres dans un camion style CRS et… on t’fait.. bah tu t’assois et tout de suite t’as la.. tu as.. à peine la place pour les genoux quoi. T’es contre la plaque de ferraille. Les vitres obstruées, des grillages au.. machin. Le mec qui met un tour de clé et puis voilà, t’es parti quoi. C’est parti. Tout l’monde gueule et tout… ‘Fin ouais.. euh.. pas’que.. euh y en a qui sont déjà en prison. Qui se font extraire pour être jugé et puis y retournent le soir, bon voilà. On arrive à Bois d’Arcy et alors là euh… Là, c’est.. c’est..c’est vraiment le.. l’en.. pas l’enfer mais… J’suis un peu encore dans mon truc quoi, dans mon monde. J’me.. j’panique pas non plus. Et puis là, alors là, on marche. Y v.. y vous mettent dans des cellules. Faut retenir un numéro d’écrou euh que j’me.. bon heureusement, j’m’en souviens plus maintenant. Mais euh.. euh dix-huit mille..che.. kek chose, quoi. Et euh… Donc voilà, je.. m’voilà enfermé mais bon, heureusement, j’tombe dans – un peu d’chance -, j’tombe dans une cellule de six, au départ. Et euh.. finalement, y a des gars qui m.. le..le brigadier préfère me mettre avec des plus vieux pas’que bon, y… on a discuté un p’tit peu et y..y croit que c’est mieux pour moi. Et donc, j’tombe un peu avec des braqueurs. Et euh des mecs qui ont fait le château d’Versailles et tout donc. C’est assez sympa. Y.. prenn.. Y s’occupent bien d’moi quoi. Disons, ch’uis le p’tit jeunot. Et y s..sont assez cool quoi finalement. Et euh donc le.. bah l’temps passe quoi. L’hiver arrive, euh… L’incarcération, septembre. L’hiver arrive. Y caille euh. Y a… quatre-vingt.. hiver quatre-vingt quatre, quatre-vingt cinq, y a d’la glace dans… On peut même plus ouvrir les.. les fenêtres. Les… les..l..les vitres sont glacées. On dort s.. on s’met sous les.. on reste toute la.. toute la journée dans notre lit quoi. Et on joue aux cartes pour passer le temps. Alors comme on est six, si y en a un qui a pas l’moral bon, ben, on trouve toujours trois pour jouer à kek chose. Mais c’est.. c’est long, c’est long, c’est long. Et j’ai pas d’avocat. Mes parents euh, pfou, j’ai pas d’nouvelles. Au moins pendant deux mois, pas d’visite, pas d’nouvelles. Bon. Et puis après bon ben le temps passe quoi. Et… l..le temps passe. Le printemps arrive et j’me dis : “  Merde, j’vais pas finir par euh… ” J’vais à la messe. J’vais à la messe pas’que le..le..le père Aubry est un… Tout l’monde va à la messe pas’que c..c’est… c’est… Y a pas d’télé à c’t’époque là. Y a pas d’radio. On a la radio dans l’mur. Euh donc y a un bouton dans l’mur. Donc euh, finalement tout l’monde va à la messe. Il nous fait voir des films comme Ben Hur. Comme euh.. des trucs un p..un peu qui ont.. en rapport avec la religion mais sans plus quoi. Et voilà le jour de.. de mon jugement quoi. Donc euh, c’est au mois de mai. On est au mois de mai et… j’ai fait cinq mois vingt-huit jours de.. prison. Donc j’arrive euh… C’est à mon tour d’être jugé euh… “- Monsieur, est-ce que c’est vous qui… – Oui. – Qu’avez-vous fait de l’argent ? – Ben l’argent est parti. J’l’ai dépensé euh.” Voilà bon, on attend que… ils partent délibérer. Et.. la présidente revient et annonce le.. la sentence. “- Monsieur Oliviéro, vous êtes condamné à cinq mois vingt-huit jours de prison.” Donc, c’est exactement le quota qu’j’ai fait. Ca veut dire que j’regarde mon père, derrière, qui sont quand même venus m’voir, et bon, je fais un p’tit coucou comme ça et… Ca veut dire qu’je sors ce soir quoi. Et donc euh… l’histoire n’est pas finie puisque on retourne – malgré qu’on soit libre – on retourne en prison. On fait son paquetage. Les copains n’en reviennent pas quoi, pas’que “- C’est pas possible, tu dois faire un an, dix-huit mois, c’pas…Tu vois.” Ben si. Mais bon, y sont quand même com.. quand même content pour moi. Et donc, j’fais mon baluchon. Euh, je descends les escaliers et, euh, je laisse r.. je laisse tout. Je laisse tout. Je…euh… J’ai juste quelques.. quelques sapes mais je.. je leur laisse tout. Et..et euh j’emprunte une très, très longue sortie où… où tout le monde à l’air de dire.. où tout le monde vous conseille en partant : “- Surtout euh Loïc quand tu t’en vas de là, euh te retourne pas quoi.”

 

Loïc – Ennui

Donc en fait euh… A.. aux alentours de quinze ans, quinze ans et demi euh, ouais quinze ans, j’commençais à faire de la musique euh, ben j’ai fréquenté des gens un peu plus vieux que moi et ça m’a emmené dans des… à prendre des produits euh… pas cool. Du tout, quoi. Très addictifs comme diraient certains.
Et donc euh… bah, j’me suis mis à… à chouraver à droite, à gauche.
Et puis bon, un..un jour euh, y a eu l’opportunité de prendre un petit peu plus que d’habitude. Et donc, j’ai franchi le pas. Escroquerie euh… Escroquerie euh… Filouterie de louage, je..ce.. c’était une expression que j’connaissais pas.

Et donc euh, clic clac, je me retrouve au.. commissariat. Euh, ils viennent me chercher chez moi.
Ch’uis dans mon lit. Ils appellent au téléphone. J’décroche : “- Monsieur Oliviéro, Loïc? – Oui? ” Ca raccroche. Bon, j’retourne me coucher.
Les flics arrivent. Y’m’prennent. Y fouillent partout. Ma mère.. gueule comme d’habitude, crie. Et y ‘emmènent.
J’suis placé en garde à vue. Mais bon, j’suis dans mon.. moi, j’ai mes.. j’ai mes Doc aux pieds, mon bomber, des… un..un cadenas autour du cou, hé.. voilà quoi. Mais j’m’en fais pas trop quoi, bon.
L’problème, c’est que… c’est que le manque va arriver quoi et là, bon, là, c’est chaud quoi. Et à l’époque, y a.. – les années quatre-vingt – y a pas de… y a pas trop de… Ils te donnent de l’aspirine quoi, en gros pour euh… Donc voilà.

Ils m’emmènent devant le juge. Bon.  « – Monsieur, ks..qu’est-ce que vous avez fait de l’argent ? – Ben, l’argent, j’l’ai plus. J’l’ai dépensé. – Comment ça ? En de.. en une nuit, vous avez dépensé… – Ouais, c’est ça…” Tac. Ben oui, en fait, bon, j’ai un pote qui a.. qui a le magot et puis j’veux vraiment pas… Y a trop d’argent. (petit rire) J’veux pas lâcher l’affaire quoi. J’me dis c’est un mom.. mauvais moment à passer.
Et le moment, il commence à tourner euh pas bien quoi. Pas’que l’juge, bah… malgré que j’ai jamais été devant la justice – en psychiatrie mais jamais devant la justice – baah il ordonne mon placement euh.. y euh… en prison quoi, au moins pour quatre mois, parce que ce sont des mandats de dépôt de quatre mois…

Bon, j’arrive dans cette énorme prison qu’est Bois d’Arcy en camion cellulaire.
C’t’à dire tu rentres dans.. tu rentres dans un camion style CRS et… on t’fait.. bah tu t’assois et tout de suite t’as la.. tu as.. à peine la place pour les genoux quoi. T’es contre la plaque de ferraille. Les vitres obstruées, des grillages au.. machin. Le mec qui met un tour de clé et puis voilà, t’es parti quoi. C’est parti. Tout l’monde gueule et tout… ‘Fin ouais.. euh.. pas’que.. euh y en a qui sont déjà en prison. Qui se font extraire pour être jugé et puis y retournent le soir, bon voilà.

On arrive à Bois d’Arcy et alors là euh… Là, c’est.. c’est..c’est vraiment le.. l’en.. pas l’enfer mais… J’suis un peu encore dans mon truc quoi, dans mon monde. J’me.. j’panique pas non plus. Et puis là, alors là, on marche.
Y v.. y vous mettent dans des cellules. Faut retenir un numéro d’écrou euh que j’me.. bon heureusement, j’m’en souviens plus maintenant. Mais euh.. euh dix-huit mille..che.. kek chose, quoi. Et euh… Donc voilà, je.. m’voilà enfermé mais bon, heureusement, j’tombe dans – un peu d’chance -, j’tombe dans une cellule de six, au départ. Et euh.. finalement, y a des gars qui m.. le..le brigadier préfère me mettre avec des plus vieux pas’que bon, y… on a discuté un p’tit peu et y..y croit que c’est mieux pour moi. Et donc, j’tombe un peu avec des braqueurs. Et euh des mecs qui ont fait le château d’Versailles et tout donc. C’est assez sympa. Y.. prenn.. Y s’occupent bien d’moi quoi. Disons, ch’uis le p’tit jeunot. Et y s..sont assez cool quoi finalement.

Et euh donc le.. bah l’temps passe quoi.
L’hiver arrive, euh… L’incarcération, septembre. L’hiver arrive. Y caille euh. Y a… quatre-vingt.. hiver quatre-vingt quatre, quatre-vingt cinq, y a d’la glace dans… On peut même plus ouvrir les.. les fenêtres. Les… les..l..les vitres sont glacées. On dort s.. on s’met sous les.. on reste toute la.. toute la journée dans notre lit quoi. Et on joue aux cartes pour passer le temps. Alors comme on est six, si y en a un qui a pas l’moral bon, ben, on trouve toujours trois pour jouer à kek chose. Mais c’est.. c’est long, c’est long, c’est long. Et j’ai pas d’avocat.
Mes parents euh, pfou, j’ai pas d’nouvelles. Au moins pendant deux mois, pas d’visite, pas d’nouvelles. Bon.
Et puis après bon ben le temps passe quoi. Et… l..le temps passe.

Le printemps arrive et j’me dis : “  Merde, j’vais pas finir par euh… ”
J’vais à la messe. J’vais à la messe pas’que le..le..le père Aubry est un… Tout l’monde va à la messe pas’que c..c’est… c’est… Y a pas d’télé à c’t’époque là. Y a pas d’radio. On a la radio dans l’mur. Euh donc y a un bouton dans l’mur. Donc euh, finalement tout l’monde va à la messe.
Il nous fait voir des films comme Ben Hur. Comme euh.. des trucs un p..un peu qui ont.. en rapport avec la religion mais sans plus quoi.

Et voilà le jour de.. de mon jugement quoi.
Donc euh, c’est au mois de mai. On est au mois de mai et… j’ai fait cinq mois vingt-huit jours de.. prison.
Donc j’arrive euh… C’est à mon tour d’être jugé euh… “- Monsieur, est-ce que c’est vous qui… – Oui. – Qu’avez-vous fait de l’argent ? – Ben l’argent est parti. J’l’ai dépensé euh.” Voilà bon, on attend que… ils partent délibérer. Et.. la présidente revient et annonce le.. la sentence.
“- Monsieur Oliviéro, vous êtes condamné à cinq mois vingt-huit jours de prison.” Donc, c’est exactement le quota qu’j’ai fait.
Ca veut dire que j’regarde mon père, derrière, qui sont quand même venus m’voir, et bon, je fais un p’tit coucou comme ça et… Ca veut dire qu’je sors ce soir quoi.

Et donc euh… l’histoire n’est pas finie puisque on retourne – malgré qu’on soit libre – on retourne en prison. On fait son paquetage. Les copains n’en reviennent pas quoi, pas’que “- C’est pas possible, tu dois faire un an, dix-huit mois, c’pas…Tu vois.” Ben si. Mais bon, y sont quand même com.. quand même content pour moi. Et donc, j’fais mon baluchon. Euh, je descends les escaliers et, euh, je laisse r.. je laisse tout. Je laisse tout. Je…euh… J’ai juste quelques.. quelques sapes mais je.. je leur laisse tout. Et..et euh j’emprunte une très, très longue sortie où… où tout le monde à l’air de dire.. où tout le monde vous conseille en partant :
“- Surtout euh Loïc quand tu t’en vas de là, euh te retourne pas quoi.”